Le travail en mode projet se généralise au sein des entreprises. Comment trouver l’équilibre parfait entre rentabilité, efficacité et investissement tout en s’impliquant pour le bien-être de leurs collaborateurs ? Les entreprises peuvent recourir à la méthode Belbin® pour aider leurs équipes projet à atteindre les objectifs. Le point avec Audrey Deguara*, experte en gestion de projet et management.

La méthode Belbin®, c’est d’abord quelqu’un. Meredith Belbin est un psychosociologue britannique spécialisé dans le management d’équipe qui a longuement étudié les comportements des uns et des autres dans le travail d’équipe. Son but ? Comprendre pourquoi certaines synergies fonctionnent et d’autres pas.
Les conclusions de ses études sont sans appel : rassembler des individus motivés n’est pas suffisant pour créer une équipe efficace. Après 20 ans d’études, Belbin va acter les différents rôles dans son ouvrage Management Team Why They Succeed or Fail, publié aux éditions Routledge, en 1981. La performance de l’équipe va fortement dépendre des comportements de chacun. C’est avec sa propre équipe que le spécialiste a pu décliner la méthodologie qui porte aujourd’hui son nom. Qu’il s’agisse d’une équipe sportive, isolée ou de projet, la méthode reste pertinente. L’équipe projet est celle qui nous intéresse dans cet article.
La méthode Belbin®, comment ça marche ?
Le comportement individuel : point de départ de la dynamique collective
Première étape : identifier les préférences comportementales de chaque des individus au sein du groupe pour assurer une bonne énergie au sein de l’équipe projet.
Pour cela, l’approche Belbin propose de démarrer avec un Audit d’Auto-Perception (APP). Chaque personne qui compose le groupe complète individuellement ce questionnaire. Les réponses attendues, comme dans tout test, reposent sur la spontanéité. Nous obtenons alors notre rapport auto-perçu.
Dans un second temps, chacun invitera de cinq à huit collègues à compléter l’APP.
À ce stade, chacun reçoit, à titre individuel, son rapport enrichit des observations venues compléter le profil.
Dans le cas où le chef de projet est le commanditaire des rapports individuels, il va pouvoir éditer le rapport d’équipe et ainsi comprendre ses forces et ses axes de vigilance. Le but étant de définir quels sont les rôles qui sont comblés, sur ou sous-représentés.
Penser « équipe » plutôt que « collaborateur »
La méthode Belbin® met l’accent sur l’équipe et non sur le collaborateur. La force de l’approche est justement de se placer du point de vue de l’équipe. En effet, pour atteindre son objectif, celle-ci doit couvrir des besoins en termes de compétences techniques, mais aussi comportementales.
Le gros avantage de cette méthode est qu’elle peut intervenir à tout moment dans le cycle de vie de l’équipe :
- à l’étape de la cohésion d’équipe et d’apprendre à se connaître ;
- quand l’équipe ou certains collaborateurs vivent des tensions ;
- tout au long du projet afin d’atteindre ensemble l’objectif visé.
Comprendre la méthode Belbin® pour l’appliquer à la gestion de projet
Connaître cet outil théorique pour pouvoir l’utiliser avec les membres de son équipe est un prérequis dans la mallette du chef de projet ou du manager.
En complément, il est nécessaire de faire le parallèle entre les besoins du projet et ses différentes phases : initialisation, structuration, exécution et pilotage et clôture.
En phase d’initialisation, l’équipe projet a besoin d’apprendre à se connaître. Le chef de projet va devoir organiser des ateliers de cohésion en s’appuyant sur les différents profils.
En phase de structuration, les tensions vont apparaitre. Le responsable de projet va pouvoir s’aider des divers profils afin de lever plus facilement les quiproquos. Il saura plus aisément se mettre dans la peau de son interlocuteur. C’est donc un excellent outil pour gérer les conflits.
Enfin, en phase d’exécution et de pilotage, le chef de projet doit maintenir la motivation des uns et des autres. Les profils seront, une fois de plus, un atout de valeur dans sa stratégie.
Connaître les forces et les points de vigilance dans son équipe est essentiel dans son bon fonctionnement et son épanouissement.
Imaginons que je sois membre d’une équipe projet et que mon profil dise de moi que je ne suis pas à l’aise pour générer des idées. Le management, comme moi-même, saurons que mes forces ne résideront pas dans la résolution de problèmes. Il sera judicieux de faire intervenir une personne qui, a contrario, est à l’aise dans ce type de comportement attendu.
Dynamique d’équipe : nous avons tous un rôle à jouer
Les rôles identifiés dans la méthode Belbin® sont répartis en trois familles. Celles-ci correspondent à des appétences plus ou moins prononcées pour la Réflexion, l’Action, la Relation. Chacune de ces familles est elle-même déclinée en trois rôles :


Chefs de projet : attention aux pièges !
Meredith Belbin met en avant que chaque collaborateur a des qualités et des défauts et n’est donc pas parfait. Il défend alors l’idée suivante : « Si nul n’est parfait, une équipe peut l’être. »
Concilier compétences et comportements
Trop souvent, entreprises et collaborateurs n’accordent pas autant d’importance aux comportements des personnes qui vont faire partie d’un projet ou même de leur structure. Or, on ne peut pas demander à une personne de changer fondamentalement. Le comportement résulte en effet d’un savoir-être. Certes, il peut se travailler, mais seulement dans une certaine mesure, car il est en grande partie induit par un cadre de référence, une expérience, une éducation…
« La force collective d’une équipe résulte donc dans la complémentarité et l’équilibre des compétences et attitudes manifestées par les membres de cette équipe. »
Meredith Belbin
Par ailleurs, la tendance naturelle des managers est de faire grandir leur équipe en ayant de nouveaux profils calqués sur ceux déjà présents. Le danger dans ce type de sélection est de n’avoir que des profils ressemblants créant ainsi un manque de complémentarité au service de la dynamique d’équipe. Pour contrecarrer cette tendance et constituer leur équipe de façon pertinente, les managers peuvent s’appuyer sur la roue de l’équipe.

La roue ci-dessus indique que mon équipe est relativement bien équilibrée dans chacune des trois familles (même si la famille Relation est un peu plus « légère »). On note cependant une absence de Promoteur.
En tant que consultante accréditée Belbin et experte en gestion de projet, ma première recommandation serait ici d’organiser une session de travail avec cette équipe afin de se projeter sur les situations futures qui pourraient être problématiques.
Par exemple, si personne n’a de préférence que pour les aspects relationnels, cela pourrait isoler notre équipe projet. Dans la continuité, nous réfléchirions à des solutions préventives telles que sécuriser son plan des communications ainsi que son analyse d’impact des parties prenantes.
Construire son équipe projet
« Une équipe de deux personnes est capable d’entretenir des relations à rôles multiples et peut travailler de manière très efficace surpassant de loin les équipes plus nombreuses. »
Meredith Belbin
N’ayez donc pas crainte d’avoir une équipe constituée de peu de membres si les compétences nécessaires sont suffisantes et que la dynamique d’équipe est présente.
Imaginons que je lance seul un projet de zéro, si je suis à l’aise dans la réflexion, voire que j’ai de multiples idées. Un binôme qui garde la tête froide et sait prendre de la hauteur pour rester objectif aura donc une vraie plus-value pour mon projet.
À bien des égards, nous sommes tous indispensables. Toutefois, trop de ressemblances engendrent forcément des manques, certains rôles n’étant pas remplis. Cela entraîne alors un déséquilibre dans la dynamique de l’équipe.
Gardons en tête que chaque rôle identifié par la méthode Belbin® comporte une part d’ombre et une part de lumière.
Par exemple le Priseur : modéré et stratégique, il peut être perçu comme manquant de dynamisme et parfois trop critique. Un perfectionneur quant à lui, soucieux des détails, pourra avoir beaucoup de mal à déléguer. Le Promoteur, enthousiaste et communicatif, manquera parfois de réalisme.
Leader et leadership
Meredith Belbin met en avant la nuance que l’on retrouve entre un leader solo et un leader d’équipe. La plupart du temps, un leader solo définit seul l’objectif à atteindre et cherche à rassembler ses équipes derrière l’objectif qu’il a lui-même défini. Il adopte ici une posture de manager. Au contraire, un leader d’équipe a plutôt tendance à incarner une mission et à s’intégrer à l’équipe pour la mener à bien.
« Tandis que les leaders solos se nourrissent de leurs éloges et les réclament, les leaders d’équipe fuient les projecteurs évitant de s’attribuer le mérite des victoires remportées par leur entreprise. »
Meredith Belbin
Imaginons un salarié qui excelle dans le rôle de Concepteur. Au moment de prioriser les idées, il va s’appuyer sur son collègue, qui est davantage à l’aise dans son rôle de Priseur.
Finalement, ce que la méthode Belbin® tend à démontrer, c’est que chacun des membres de l’équipe est leader de son propre rôle.